Je ne savais pas ce qui se passerait pendant ce premier stage ; c’est comme avoir envie d’ouvrir une porte sur une pièce nouvelle mais on ne sait pas trop ce qu’il y a derrière, et en même temps on meurt d’envie de voir. Et ce que j’ai vu, entendu, touché, goûté, dépasse de très loin ce que j’imaginais.
Le clown est libre, fou, sensible, joyeux, déterminé et erratique, mutique et volubile, un papillon ivre avec un nez rouge. Et le nez, le nez ! C’est une découverte essentielle, le nez ; au début de la semaine, c’était un objet bizarre, extérieur ; enfin, aux premiers moments, quand je ne l’avais pas encore mis, quand je savais que très bientôt je le mettrais sans savoir ce qui se passerait ; et très vite, il est devenu une part de moi, presque je pourrais dire il était devenu moi ou j’étais devenue lui ; à la fin de la semaine, j’avais besoin de m’assurer que je l’avais bien autour du cou avant de commencer un exercice ou une improvisation ; c’est mon nez qui fait naître mon clown, c’est mon nez qui lui autorise les audaces et les transgressions, à mon clown.
Et ce mot de transgression que tu as employé le premier jour : je vais vous virer mais vous pouvez vous rebeller, vous pouvez transgresser, as-tu dit. J’ai senti que c’était le moteur, la transgression, et que précisément, dans ta manière de nous enseigner, de nous provoquer, de dialoguer avec nous, de nous interpeller, de nous virer, « au revoir ! » c’était une invite à la transgression; j’ai entendu dans « au revoir ! » » montrez-nous que vous voulez rester, montrez-nous que vous avez envie, montrez-nous ! »
Un autre mot fondamental pour moi, c’est la confiance. J’ai eu toute confiance en toi, mais alors, une confiance absolue. Ton humanité, ta sensibilité, ton regard, ta disponibilité, ta force, ta générosité indéfectibles pour chacun d’entre nous, tout au long de cette semaine, sont un présent inestimable. On a parlé de l’intimité, on en a tellement parlé : c’est ta manière d’être avec nous qui nous a permis, à tous, aussi différents que nous étions, d’être intimes en public, sur le plateau, chose la plus merveilleuse pour un comédien. Où les mots de Beckett « Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux. » ont pris tout leur sens, optimiste et joyeux.
Je ne sais pas comment d’autres enseignent le clown, j’en ai juste entendu parler, mais moi je sais que je suis très chanceuse et sacrément vernie d’avoir fait mes premiers pas avec toi, enfin Biyoncé a fait ses premiers pas avec toi!
Je trouve aussi carrément merveilleuse cette dynamique de groupe que nous avons eue, je regarde les photos et je nous aime! Et évidemment, tu y es pour beaucoup, le groupe existe parce que tu le crais ! J’ajoute une mention spéciale pour Alain, qui a fait le lien avec sa grande gentillesse et intelligence. Tu sais t’entourer de gens formidables en fait. C’est la classe, quoi.
Merci Gérard Gallego. Il y a des rencontres importantes dans la vie, eh ben voilà : t’avoir rencontré en est une, et sacrément.
Corinne, Nantes, septembre 2019